Sunday, January 26, 2014

La loi pour limiter l'exposition aux ondes électromagnétiques adoptée à l'Assemblée (Law to limit exposure to electromagnetic waves passed the Assembly)

La loi pour limiter l'exposition aux ondes électromagnétiques adoptée à l'Assemblée

Le Monde.fr |  • Mis à jour le  |
Une antenne-relais de téléphonie mobile.

Un an après un « enterrement de première classe » aux yeux des écologistes, quand elle avait purement et simplement disparu de l'agenda parlementaire, l'Assemblée a adopté, jeudi 23 septembre, la proposition de loi « relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques », déposée par la députée du Val-de-Marne Europe écologie-Les Verts (EELV), Laurence Abeille.


Fruit d'un an de travail avec les socialistes et le gouvernement, le texte a été rejeté par l'opposition UMP, qui s'est élevé contre des mesures « sans justification sanitaire bien établie »« pénalisant les zones les moins denses du territoire dans l'accès au très haut débit », allant contre « l'innovation numérique ».

Pour le ministre de l'écologie, Philippe Martin, le texte adopté apparaît comme un« compromis constructif » et « une première réponse » aux préoccupations portant sur les ondes. Il devra être maintenant examiné au Sénat.

« ESPRIT DE PRÉCAUTION » 
Mercredi, quelques dizaines de militants « anti-ondes » avaient déployé une banderole sur le pont de la Concorde à Paris, face à l'Assemblée nationale :« Ondes : votez la loi ». « On a besoin de cette loi. Alors que la population est systématiquement contre l'installation d'antennes-relais, neuf fois sur dix, elle n'est pas entendue », a estimé Pascal Julien, adjoint EELV au maire du 18earrondissement de Paris, venu à cette manifestation avec son écharpe tricolore. 

La « mesure phare » du nouveau texte porté par les écologistes est « d'introduiredans la loi l'objectif de modération de l'exposition », résume Mme Abeille. « Ce sera un grand progrès, même si j'aurais aimé qu'on aille plus loin, ajoute-t-elle. Il est assez rare, en France, de légiférer dans un esprit de précaution. »

12 500 AUTORISATIONS POUR LA 4G
Sa proposition de loi s'inscrit dans un paysage marqué par la croissance exponentielle des technologies sans fil (téléphones mobiles, tablettes, Wi-Fi, babyphones…), génératrices de radiofréquences – des ondes électromagnétiques au milieu desquelles baigne la population, qu'elle soit ou non utilisatrice de ces équipements. Et le déploiement de la téléphonie mobile à très haut débit, la 4G, va encore accroître cette imprégnation.
Au 1er janvier 2014, annonce l'Agence nationale des fréquences (ANFR), le nombre de « sites » – c'est-à-dire d'emplacements d'antennes-relais – autorisés en France pour la 4G s'élevait, tous opérateurs confondus, à 12 525, soit une hausse de 3,8 % en un mois. A la même date, 38 000 sites d'antennes-relais étaient déjà autorisés pour la 3G, et autant pour la 2G.

Même s'il n'existe pas de consensus scientifique sur les risques potentiels des radiofréquences pour la santé, plusieurs avis et études ont appelé à la prudence. En 2011, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les radiofréquences comme « cancérogènes possibles ». Et, en octobre 2013, l'Agence nationale desécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), sansconclure à « un effet sanitaire avéré »recommandait « de limiter les expositions de la population aux radiofréquences – en particulier des téléphones mobiles –, notamment pour les enfants et les utilisateurs intensifs ».

PAS D'ABAISSEMENT DES SEUILS
D'où la mise en avant d'un principe de « modération » de l'exposition. Le texte soumis aux députés est en réalité lui-même très modéré, par rapport à sa précédente version. Celle-ci, qui visait à un seuil d'exposition « aussi bas que raisonnablement possible », aurait conduit – conformément à la recommandation du Conseil de l'Europe – à fixer à 0,6 volt par mètre (V/m) la limite réglementaire. Celle-ci s'échelonne aujourd'hui entre 41 V/m et 61 V/m, en fonction des générations de téléphonie mobile.

Il n'est plus question, désormais, d'abaissement des seuils. « Le nouveau texte est surtout symbolique, estime Etienne Cendrier. Son mérite est de mettre un pied dans la porte, en introduisant un peu de régulation dans la toute puissance des opérateurs de téléphonie sans fil. »

C'est aussi l'analyse de l'association Pour une réglementation des implantations d'antennes-relais de téléphonie mobile (PRIARTéM). « Une avancée à petits pas vaut mieux que pas d'avancée du tout, juge sa présidente, Janine Le Calvez. Même si, plutôt qu'une modération, nous aurions préféré une réduction ou une limitation de l'exposition. »

POINTS « ATYPIQUES »
De fait, la modération annoncée vaut surtout pour les « points atypiques », ceux où les niveaux d'exposition « dépassent sensiblement la moyenne observée à l'échelle nationale ». Cette moyenne est de 1 V/m, mais, jusqu'à présent, l'ANFR ne retient comme « points atypiques » que ceux où l'exposition dépasse 6 V/m. Selon une étude du Comité opérationnel sur les ondes de téléphonie mobile (Copic), portant sur seize communes représentatives du territoire français et publiée en août 2013, les niveaux d'exposition sont « inférieurs à 0,7 V/m » dans 90 % des cas, mais quelques pics sont observés « jusqu'à 10 V/m à puissance maximale des émetteurs ».

Pour ces points « chauds », dont le recensement devra être effectué tous les ans, la proposition de loi « met en demeure l'exploitant de le résorber dans un délai maximal de six mois ». L'opérateur devra aussi « apporter la preuve de l'efficacité des mesures décidées ». Cela, sous peine d'un retrait d'autorisation.

ÉLECTROHYPERSENSIBILITÉ
Le texte, souligne Mme Abeille, met aussi l'accent sur « l'obligation de concertation et de transparence, au niveau local et départemental », lors de l'implantation ou de la modification d'installations radioélectriques. « Il s'agit, commente la députée, derétablir le rôle des maires, qui avaient été complètement exclus de la boucle décisionnelle. » 
D'autres mesures sont prévues, dont l'interdiction de « toute publicité », pour les téléphones portables ou autres terminaux comme les tablettes, ciblant les « enfants de moins de 14 ans ». Pour les plus jeunes,  les équipements Wi-FI seront interdits dans les crèches et les garderies. Les écologistes souhaitent que cette mesure soit étendue aux écoles maternelles, où ils  demandent que soit réalisée, pour toute nouvelle installation d'un réseau de télécommunications, « l'étude d'une solution de connexion filaire ».
Enfin, sur la question difficile des personnes souffrant d'électrohypersensibilité (EHS) aux champs électromagnétiques, le projet se contente de demander au gouvernement, dans un délai d'un an après la promulgation de la loi, un rapport sur« l'opportunité de créer des zones à rayonnements électromagnétiques limités, notamment en milieu urbain, les conditions de prise en compte de l'électrohypersensibilité en milieu professionnel et l'efficacité des dispositifs d'isolement aux ondes ».


« PEURS IRRAISONNÉES »
En limitant leurs objectifs d'encadrement des radiofréquences, les écologistes ont en fait cherché un compromis, acceptable par la ministre déléguée aux PME, à l'innovation et à l'économie numérique, Fleur Pellerin, et par celui de l'éducation nationale, Vincent Peillon, attaché à « faire entrer l'école dans l'ère du numérique ».

Le texte n'en inquiète pas moins les opérateurs. Le 10 janvier, huit organisations professionnelles du numérique « s'alarm[ai]ent et appell[ai]ent le législateur à faireévoluer un texte dont le principal effet en l'état serait de susciter peurs irraisonnées, tensions et contentieux autour des réseaux et des servicesnumériques mobile et sans fil ». Pour les signataires (Afdel, FFTelecoms, Fieec, Gitep, SFIB, Simavelec, Syntec Numérique et Uspii), la proposition de loi, si elle est votée, aura pour conséquence de « multiplier les obstacles au déploiement des réseaux mobile » et « à la disponibilité des infrastructures et des terminaux innovants plus économes en énergie et respectueux de l'environnement ».

Aussi en appellent-ils « à la sagesse du législateur pour établir un équilibre entre la nécessaire transparence vis-à-vis du public et l'impérieuse nécessité depromouvoir l'investissement et l'innovation dans le numérique ». Cela, soulignent-ils, « au bénéfice de la croissance, de la compétitivité, de l'attractivité des territoires et de l'emploi ».



No comments:

Post a Comment